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9 mars 2011

Le règne de la flexibilité

Le règne de la stabilité a fait place à celui de la flexibilité.

Quelles incidences cette flexibilité engendre-t-elle sur le travail et la vie privée ?

L’entreprise est de plus en plus perméable aux évolutions de son environnement et voit sa liberté d’action s’amenuiser. Elle a, en quelque sorte, perdu la maîtrise du temps durant lequel elle dispose de ses salariés. On lui impose aujourd’hui de l’aménager pour permettre aux individus de s’occuper de leurs enfants ou d’exercer des activités de loisirs.

Elle a perdu sa souveraineté dans les produits qu’elles fabriquent (génétiquement non modifiables et conformes aux exigences des associations de consommateurs) ou les usines qu’elle érige (normes environnementales). Elle subit de nouvelles règles financières qui l’obligent à toujours plus de ratio. Et plus encore, elle a perdu la maîtrise de la socialisation de l’individu (exit l’entreprise paternaliste) qui lui permettait d’obtenir le respect de ses salariés à son système hiérarchique et leur dévouement à la production collective.

Si la revendication salariale reste encore d’actualité, l’entreprise est confrontée aujourd’hui à d’autres attentes de la part de ses employés qui font davantage écho à certaines difficultés rencontrées au sein de la sphère privée.

Mais pour autant, l’entreprise n’est pas une victime. Vulnérable, elle n’en demeure pas moins agressive. Elle s’immisce à son tour dans les mondes environnants avec le risque de multiplier les interfaces susceptibles d’intensifier le conflit entre sa logique et celle des autres. Elle cultive l’esprit de compétition entre les individus centrés sur leur réussite professionnelle ou plus simplement attachés à conserver leur emploi. Elle les contraint à toujours plus de performances individuelles, les obligeant à sans cesse innover et se montrer mobiles.

En agissant sur la variation de sa durée et de son temps de travail, elle dépossède le salarié de son temps, le prive des repères nécessaires au développement de véritables projets et perturbe l’articulation harmonieuse de ses temps de vie (ce que le législateur a appréhendé en conditionnant les procédures de mise en œuvre du changement du temps de travail à certains délais de prévenance).

Ainsi, la généralisation de la flexibilité a non seulement des effets sur la précarisation mais se trouve en totale discordance par rapport aux modes d’articulation qui organisent les différents temps de la vie des salariés.